Secteur digital : où sont les femmes haïtiennes ?

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Secteur digital : où sont les femmes haïtiennes ?

Pour faire face à la révolution digitale, il est impératif que l’État, mais aussi la société civile et surtout les femmes, en comprennent les enjeux. Cependant, il faut comprendre que cette transformation du numérique ne concerne pas seulement les hommes, parce que les femmes aussi auront un rôle à jouer dans le grand plan d’Haïti numérique.

Pour ce 8 mars 2017, la Journée internationale des femmes sera célébrée sur le thème : « les femmes dans un monde du travail en évolution : pour un monde 50-50 en 2030 ». Et vingt-quatre heures plus tard, les femmes seront encore à l’honneur en ce début de mois de mars, avec la 5e édition de la journée de la femme digitale.

Parce que le digital est partout, parce que la question de l’égalité professionnelle est d’une importance capitale, je profite de ces deux grands événements pour expliquer aux jeunes filles et femmes haïtiennes le grand potentiel que représente le numérique.

En effet, un peu partout à travers le monde, le numérique est un secteur en constante évolution, cependant, les femmes ne sont pas assez présentes dans cet univers. De ce fait, pour inciter les jeunes femmes haïtiennes à embrasser le secteur du numérique, j’ai décidé de donner la Parole à Celia P. Milord, une vraie passionnée du numérique et de programmation.

 

  • Bonjour Célia, peux-tu te présenter à nos lecteurs, (trices) ?

Me présenter paraît un exercice plutôt difficile quand on n’aime pas trop parler de soi (rires).

Bonjour à tous, je suis Célia Milord, une autodidacte qui pousse toujours les limites et la tête pleine d’idées futuristes. Certains me décrivent comme une jeune femme qui aime échanger, partager et socialiser. Cependant, je pourrais dire que je me considère comme toutes les autres femmes, qui humblement admettent leurs échecs, mais qui savent se relever encore plus fortes qu’avant. Passionnée de technologie, j’évolue également dans la sphère de la communication digitale et du numérique.

  • Qu’est-ce qui t’a attiré dans ce domaine qui est très masculin ?

Je dois avouer que mon parcours dans le domaine du numérique est assez atypique. Ce fut ma toute première et nouvelle expérience, et j’ai su faire un travail remarquable grâce aux encouragements de mon entourage. Depuis, je n’ai plus quitté cet univers qui me fascine autant. Avant de l’étiqueter en tant que métier, être gourou en médias sociaux est devenu pour moi une passion.

  • Qu’est-ce qui te passionne dans ton métier ?

C’est un secteur vaste et en expansion rapide, qui comprend des sous-secteurs qui se développent au gré des situations et d’évènements spécifiques. L’internet qui, dans le passé, fut un investissement difficile à rentabiliser dans les relations B2B (business to business), s’est vite imposé en tant qu’outil quasi indispensable. Comme on peut le constater, de nos jours, un grand nombre de données transitent par le web. Ce dernier se voit maintenant considérer en tant que nouveau canal de distribution, qui, en l’occurrence, se trouve être rapide et efficace.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), ainsi que les médias sociaux (à ne pas confondre avec les réseaux sociaux qui ne constituent qu’une partie, certes non négligeable, des médias sociaux), peuvent se voir aisément définir en tant qu’outil de communication, de travail, de loisir, d’information, voire même de formation. C’est un secteur qui quotidiennement connaît des mutations considérables et où l’on doit, pour ne pas dire à chaque seconde, se mettre à jour. À l’ère du numérique, de nouvelles fonctions voient le jour, de nouveaux métiers sont en train d’émerger alors que d’autres deviennent obsolètes.

Utiliser à bon escient, ce secteur peut s’avérer bénéfique à un individu, à une communauté, ou à toute une nation aussi bien sur le plan économique que social.

  • Connais-tu beaucoup de femmes digitales haïtiennes ?

Pas avant l’année dernière lors de la remise de prix HN2030 – Femme Numérique 2016 organisé par HACARABTECH.

De ce fait, je suis certaine qu’il y en a beaucoup d’autres comme nous, qui travaillent dans l’ombre et qui n’attendent qu’à être découvertes.

  • Parle-nous un peu de ton expérience dans le monde numérique ?

Mon expérience est une sorte de défi tant sur le plan technique, professionnel, personnel, et surtout ce dernier en particulier. Je retrouve toujours cet effet de surprise sur le visage de plus d’un, homme ou femme, lorsqu’on m’introduit à une assemblée. En outre, mon physique ne m’aide pas beaucoup non plus (rires). C’est comme un perpétuel combat dans lequel je me sens continuellement dans l’obligation de me prouver capable de réaliser ce que l’on attend de moi. Ce qui aurait été différent dans le cas d’une personne du sexe opposé.

Mon argument ici ne se veut point sexiste. Non, loin de là. Je décris ma réalité ! Une réalité que plusieurs femmes vivent au quotidien. Une réalité qui n’existe, pour ceux qui ne l’ont pas vécu, que comme sujet abstrait de société. Elle est pourtant très palpable dans la communauté haïtienne où certains clichés et tabous sont vivement présents, quoique nous vivions dans un monde dit évolué…

  • Généralement, quand on parle de code informatique, les femmes ont peur de ce milieu, qu’est-ce qui pourrait motiver les femmes haïtiennes à s’intéresser au numérique et notamment la programmation ?

Certaines femmes décident de ne pas exercer ces emplois souvent en raison de stéréotypes liés à ces professions. Quelques génies du domaine souvent choisis sont Bill Gates, Steve Jobs entre autres… Et si l’on commençait par prendre l’exemple d’Anita Borg, qui dans les années 80 créa un système qui permet d’analyser les systèmes mémoriels à haute vitesse et qui constitue une partie importante dans la naissance du courriel ? Ou encore, de Grace Hopper qui a conçu le premier langage de programmation en 1951 ? Et même des programmeuses de l’Electronic Numerical Integrator And Computer (ENIAC): Kathleen McNulty Mauchly Antonelli, Betty Snyder Holberton, Jean Jennings Bartik, Marlyn Wescoff Meltzer, Ruth Lichterman Teitelbaum et Frances Bilas Spence, communément appelées les «Six ENIAC Girls»? Ces dernières ont dirigé l’équipe qui programma le tout premier ordinateur digital fonctionnant de manière totalement électronique en 1945 pour l’armée américaine.

Avec l’exemple assidu des empreintes de ses icônes féminines, il y aurait moins de difficultés à mobiliser les femmes haïtiennes dans le numérique et à la programmation.

  • Quelle est la place du numérique auprès des jeunes filles et femmes haïtiennes ?

Tout ce qui est nouveau peut s’avérer fascinant. Et tout ce qui se trouve être fascinant, ne signifie pas pour autant qu’il rentre dans les normes pour certains. Malgré le bouleversement occasionné par la révolution numérique sur le marché de l’emploi, nous sommes encore loin de ce modèle d’égalité Homme-Femme si l’on prend en compte que seulement très peu d’entre elles décident de l’exercer.

  • Selon ONU-Femmes, les avancées technologiques et la mondialisation représentent des opportunités inédites pour femmes qui y ont accès, que dirais-tu aux jeunes filles haïtiennes qui souhaitent se lancer dans l’apprentissage du code informatique ?

D’ici pas longtemps, à cause de la transformation numérique qui s’opère dans l’économie actuelle, plusieurs professions seront vraisemblablement et totalement remaniées. Déjà, le secteur du numérique est à la recherche de nombreux talents et est ouvert à la parité. Je leur dirais que c’est le moment opportun !

  • As-tu des projets concernant le développement du code informatique auprès des jeunes femmes haïtiennes ?

Il est clair que si l’on ne se statue pas sur l’intégration de la formation aux stéréotypes de genre, au leadership, à l’utilisation de modèles de femmes influentes ayant fait carrière dans ce domaine, dans les écoles à vocation professionnelle et technique ou dans les universités qui offrent des cours de communication, d’informatique ou de programmation, on risque de faire face bientôt à un « gender gap» incontrôlable et irréversible dans ce milieu.

Je travaille présentement sur plusieurs projets de la sorte. Mais, mon combat à moi se situe de préférence dans ces types de formations.

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Commentaires

Soucaneau Gabriel
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Belle entrevue. Merci de nous avoir présenté Celia Milord. Bon travail

Mylène
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Oui, lutter contre les stérotypes, parvenir à se faire une place grâce à ses compétences, ses idées, ce n'est pas facile, même dans ce monde du digial pourtant si enclin à tout "révolutionner"... Bravo à Celia et à toutes celles qui se lancent, mais aussi encouragent les autres à le faire. C'est important. Et merci Nelson de les mettre en lumière, de souligner ces problématiques. Espérons que cela avancera aussi vite que va ce monde du numérique, qui semble en perpétuel mutation, évolution.