Au parc National des Trois Baies, des ONG locaux volent au secours des mangroves
Les mangroves sont des écosystèmes importants, mais au potentiel encore méconnu en Haïti. Face à la dégradation alarmante de l’environnement marin, des organisations locales se débrouillent pour la reforestation et la conservation de l’écosystème des mangroves au niveau du Parc National des Trois Baies (PN3B). Elle travaillent en synergie avec l’association nationale des aires protégées.
Dans le département du Nord et du Nord-est, il est considéré comme le père des mangroves. Lui, c’est l’agronome Obéi Dolcé, 51 ans, responsable en chef de l’ONG nationale Village Planète et farouche défenseur des mangroves. « Une forêt de mangrove est beaucoup plus riche que n’importe quelle forêt au monde. Et face à la menace de leur disparition, depuis 2002, je me suis engagé auprès de mes compatriotes. Je cherche d’abord à les sensibiliser sur l’importance des palétuviers, mais aussi à les former pour qu’ils puissent devenir, à leur tour, des défenseurs des mangroves », témoigne l’agronome Dolcé, homme de grande taille et au regard percutant.
Les mangroves sont des forêts de palétuviers situées le plus souvent sur les côtes tropicales. Elles ont la capacité de séquestrer le carbone, de filtrer l’air et l’eau et de protéger le sol contre l’érosion côtière tout en étant une source de revenus pour la population locale. Malheureusement, depuis 1986, les mangroves d’Haïti sont exploitées intensivement pour la production de bois de feu et de charbon. Cette déforestation, aussi entreprise pour permettre de construire des sites résidentiels, constitue les principales menaces pour les palétuviers. Une situation qui provoque des changements non seulement dans la structure forestière mais également dans la superficie des mangroves.
C’est le cas de « Petite-Anse », où la pêche reste le premier moyen de subsistance pour de nombreuses familles. Dans cette section communale de la ville du Cap-Haïtien, la pression démographique – ajouté à la pauvreté de la population locale – a considérablement détruit la superficie des mangroves.
Tout comme à Fort-Saint Michel, l’image est encore plus accablante. La population coupe les mangroves, l’exploite de manière abusive et y construit leur maison. Et aujourd’hui, les autorités utilisent aussi cet espace pour en faire un site de décharge.
Du côté de Limonade, Janine reconnait qu’il n’y a pas d’autres sources de revenus en dehors de la pêche et des mangroves. « Nous n’avons pas d’autres sources de revenus autre que la pêche et les mangroves », confie-t-elle.
Malgré tout, cette jeune dame, à la trentaine, au visage rayonnant, croit savoir l’importance des mangroves. Toutefois, elle dit espérer d’autres alternatives venant de l’État pour mettre fin définitivement à la coupe arbitraire des arbres de palétuvier. « Aujourd’hui, la restauration et la protection des mangroves ne doivent pas être seulement la priorité d’un homme, ou des organisations locales », soutient pour sa part le Responsable en chef de l’ONG nationale Village Planète, Obéi Dolcé.
Disons-le tout net : en engageant la population environnante à la plantation des boutures de palétuviers, cela permettrait à coup sûr de régénérer la mangrove. Mais la participation des autorités au plus haut niveau de l’État dans le cadre du grand plan de la protection des aires protégées s’avère aussi indispensable.
Dans la baie de Limonade, de nombreux programmes de reforestation et de préservation ont vu le jour dans cette commune depuis 2013. Thimothé Evans, pêcheurs de la région, a d’ailleurs été sensibilisé sur l’importance des forêts de mangroves pour la communauté locale. « Grâce à une formation de la Fondation pour la Protection de la Biodiversité Marine (FoProBim), aujourd’hui la mangrove de Limonade est en train de renaître », s’est réjoui M. Evans. Qui, à travers l’association des pêcheurs, participe à la reforestation des mangroves avec le support de « FoProBim », tout en formant la population locale.
Depuis lors, ces derniers participent à l’assainissement et au reboisement des mangroves. « Nous avons encore besoin de l’appui de l’État. Car il y a des gens qui sont hostiles au changement et qui ne voient pas de bon œil notre travail », déplore Jean Baptiste Josué, président de l’organisation des pêcheurs de Limonade.
À en croire M. Josué, la destruction des mangroves était autrefois un facteur majeur de conflits dans la communauté entre les pêcheurs et la population locale. Maintenant, en dépit de tout, à Limonade entre terre et mer la mangrove se développe et embellie le décor du bord de la mer.
« Rien que pour le mois de mars 2017, avec l’appui de FoProBim nous avons planté environ 11.000 palétuviers », se félicite Thimothé Evans, avouant par ailleurs que la formation de la population avoisinante des mangroves permettra de restaurer l’habitat de certaines espèces rares, chose qui participe à une meilleure protection des palétuviers.
Importance des mangroves pour l’environnement marin
Si la menace de disparition de la mangrove est réelle. Par contre l’intervention de l’État dans le cadre de leur restauration reste jusqu’à présent peu visible. Dans plusieurs zones du département du Nord et du Nord-est, on constate que les associations des pêcheurs sont les véritables gardes forestiers qui assurent la protection des mangroves.
Soumis à une forte pression humaine, les écosystèmes marins côtiers qui génèrent beaucoup de ressources à la communauté locale sont aujourd’hui menacés.
En effet, les mangroves représentent une richesse pour de nombreux pays. Les experts sont d’avis qu’elles jouent un rôle important dans la lutte contre le changement climatique. Car elles permettent de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES).
« Les mangroves à l’aide de leur structure aident à la production de poissons (pépinières), protègent le rivage de l’érosion, protègent les récifs coralliens, stockent le carbone du gaz carbonique et fournissent également de l’oxygène à la population et à de nombreuses autres espèces », affirme le directeur adjoint de la Fondation pour la Protection de la Biodiversité Marine, M. Widlin Florvil.
De son côté, le directeur du Parc National des Trois Baies, M. Liauté Pierre confirme que le parc offre un habitat important aux espèces menacées et rares comme les tortues et les lamantins. « En outre, il contribue de manière non négligeable à la santé des écosystèmes marins extracôtiers en raison de sa productivité organique élevée ».
Les mangroves diminuent les impacts du changement climatique, selon l’avis des experts. Pourtant l’Etat tarde à mettre en place un projet national pour leur restauration et leur protection. En effet, selon M. Widlin Florvil, l’importance des palétuviers va au-delà de ce qu’on pourrait imaginer.
Les mangroves protègent les côtes des grosses vagues. Elles protègent les récifs. « La mangrove de la Baie de Caracol représente le plus vaste et le plus complexe des écosystèmes de mangrove au sein du PN3B. Les estimations de la carte de la couverture terrestre fournies par la cartographie entreprise par The Nature Conservancy (TNC) indiquent que la mangrove de Caracol présente une superficie de 4 030 ha » rappelle M. Pierre
Vers la restauration de 1000 ha de mangroves au Parc National des Trois Baies
Aujourd’hui, face à la menace qui pèse sur les mangroves du PN3B, comme l’abattage du bois de mangrove, le défrichage mené pour l’agriculture, l’exploitation des mines de sel, l’aménagement et l’industrie, il faut de nouveaux investissements pour la protection des mangroves.
Ainsi, M. Liauté Pierre confirme qu’un projet de : « 40 millions de dollars est financé Par la USAID pour une période de 5 ans dans le département du nord et du nord-est, avec un volet spécial pour le PN3B en vue de la restauration de 1000 ha de mangroves au niveau du PN3B. »
Pierre continue pour justifier que la restauration des mangroves vise à améliorer la résilience des écosystèmes et des communautés vulnérables aux changements climatiques et aux menaces anthropiques.
Si un peu partout à travers le monde, les mangroves subissent une énorme pression humaine, en Haïti, il faut une autre stratégie pour sauver les mangroves. « Car une fois détruites, les mangroves ne pourront plus alimenter et protéger les écosystèmes marins qui servent d’habitat à de nombreuses espèces aquatiques » confirme Jean Baptiste Josué, jeune pêcheur de la commune de Limonade.
Par ailleurs, au-delà de la protection du littoral, les mangroves d’Haïti offrent de nombreux services. Elles peuvent considérer comme étant des zones d’intérêt écologique, touristique et économique pour le pays.
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