Haïti-Université: Pourquoi je suis contre le programme ‘’Kore Etidyan »

Article : Haïti-Université: Pourquoi je suis contre le programme ‘’Kore Etidyan »
Crédit:
15 septembre 2014

Haïti-Université: Pourquoi je suis contre le programme ‘’Kore Etidyan »

Faculté Ethnologie Crédit photo: Zacharie Victor
Faculté Ethnologie
Crédit photo: Zacharie Victor

Lancé en 2013 par le président Joseph Michel Martelly, le programme d’assistance sociale baptisé du nom « Kore Etidyan », consiste à faire un don de 2000 gourdes (soit environ 34 euros) chaque mois sur une période de 9 mois aux étudiants de l’université d’État d’Haïti (UEH). Ou du moins, on offre un ordinateur portable à chaque étudiant. En considérant la situation actuelle de l’UEH, ce projet selon moi n’est qu’un simple trompe-l’œil. Il est le produit de tout gouvernement paresseux, sans programme et sans vision pour le développement durable d’une société.

Tout d’abord, je tiens à préciser que je ne suis pas contre l’idée d’accompagner les étudiants haïtiens tout au long du cycle d’études universitaire. Bien au contraire, je crois que notre pays en a plus que jamais besoin d’une réforme en profondeur de l’enseignement supérieur pour ne pas dire de notre système éducatif tout court. Une vision académique plus moderne, adaptée aux besoins des sociétés actuelles devraient être la priorité des priorités.

Malheureusement, quand il s’agit de massacrer une si belle institution, de la rendre inopérante, de la conserver dans la médiocrité et de maintenir mes concitoyens dans la servitude ; nos sages dirigeants sont toujours inspirés par un génie du crétinisme de nul autre pareil. En effet, la plus noble de toutes les institutions du pays poursuit lentement mais sûrement sous nos yeux passifs sa descente en enfer.

Je ne vais pas faire ici l’étalage de tous les maux qui rongent le plus grand centre universitaire du pays. Mais quand je vois des savants haïtiens cautionnent maladroitement ce projet, j’ai envie de croire que l’argent peut tout faire. Sauf de dotés les différentes facultés de l’ueh d’une simple bibliothèque ou de construire des campus universitaires modernes,  pour offrir la même chance aux milliers de jeunes qui, chaque année souhaitent fréquenter un centre d’enseignement supérieur du pays.

Si je veux bien croire notre Premier ministre Laurent Lamothe, pour l’année académique 2013-2014, environ 31 409 étudiants avaient pris part à ce projet. Par un simple calcul, si on multiplie (34 euros par 9 puis par 31 409) par conséquent, cela sous-entend que son gouvernement aurait décaissé plus de 9 millions euros pour venir en support aux étudiants du secteur public.  Je ne suis pas un expert en construction ni en économie, cependant mon intuition me dit que cette somme pourrait bien servir à entamer la construction d’un vrai campus universitaire moderne dans le pays. Il ne faut pas oublier qu’avant le séisme du 12 janvier 2010, l’UEH faisait face à d’énormes difficultés et l’un des plus grands maux de l’Université d’État d’Haïti est son incapacité chaque année à recevoir un plus grand nombre d’étudiants. Et croyez-moi, ce problème ne date pas d’hier. Ce qui veut dire que, nos gouvernants n’ont eu jamais un plan à long terme. Ils ne tiennent jamais compte de l’augmentation de la population pour bâtir en conséquence des projets de développement durable. Alors, ceux qui ont les moyens partent en République Dominicaine. Et bien sûr cela a un prix.  Jérôme Osman qui étudie en République voisine nous avait alerté du prix à payer quand on est étudiant haïtien en Dominicanie. En effet, Je crains fort que ce projet « Kore Etidyan » ne puisse permettre à notre pays de connaitre un niveau de développement acceptable dans les décennies qui viennent.

Investir dans la recherche pour garantir l’avenir du pays

Une question essentielle se pose : Haïti demeure encore une grande  société de consommation.  Alors pourquoi il ne peut y avoir un partenariat public-privé pour investir massivement dans la recherche scientifique afin de combler notre retard par rapport au pays de la région? J’affirme que ce projet aurait plus d’impact à long terme sur l’avenir de notre pays comparativement à ce petit projet de « Kore etidyan ».

Comment doit-on s’y prendre pour relever le défi de l’innovation ? C’est ce genre de question qui me taraude l’esprit.

S’il est certain que le nouveau ministre de l’Éducation nationale souhaite donner un nouveau souffle à l’enseignement supérieur dans le pays, à travers des textes de loi qui tiennent compte de la nouvelle réalité de notre société. Cependant, je ne vois pas comment avec un maigre budget de 1,4 milliard de gourdes (1euro= 58,97gourdes)  on va arriver à bâtir des projets à long terme pour la bonne marche de l’université d’État d’Haïti  tandis que le budget du bureau du Premier ministre est de l’ordre de 2,02 milliards de gourdes pour cette année fiscale.


Apprendre à la jeunesse comment vivre de  l’assistanat est un plan macabre qui serait improductif pour le pays. En définitive, j’espère qu’avec une nouvelle conception du développement de notre pays, il serait possible de rendre l’UEH plus productive, et qu’elle pourra jouer pleinement son rôle au sein de notre société. Toutefois, il est logiquement important de demander à nos politiques de cesser de leurrer la population par leur petit projet toujours à cour terme.

Partagez

Commentaires

Agwe Souke
Répondre

De kote etidyan a la loi Latortue www.lenouvelliste.com/article/171934/la-loi-sur-le-credit-etudiant-votee-par-le-senat

Osman Jérôme
Répondre

Tout d’abord, nous devons admettre que, ce serait une belle initiative. Accompagner financièrement les étudiants dans leurs cycles d’études. Surtout dans un pays comme Haïti où la situation économique reste très précaire. Cependant, vu la conjoncture dans laquelle ce programme est lancé, cela me semble d’une pure et simple démagogie politique. Un acte malhonnête visant à neutraliser certains mouvements estudiantins, étant contre le fonctionnement du pouvoir en place.
Par ailleurs, il faut tout de même rectifier que, ce ne sont pas tous les étudiants de l’UEH qui acceptent cette dite « assistance mortelle ». Ils voient plutôt en ce programme, une forme de manipulation de leur conscience d´Homme.
En effet, si c’est vrai, nos dirigeants veulent faire quelque chose pour le secteur universitaire, qu’ils commencent à moderniser les facultés de l’UEH avec des labos, des centres de recherches bien équipées. Que la décentralisation de l’UEH devienne une réalité. Voilà.